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Samedi 17 Janvier 2009 | link |

« Les réformes ne passent jamais à L'Éducation Nationale »

Le texte qui suit dans l'encadré n'est pas de moi. C'est celui d'un proviseur de Lycée Professionnel, quelque part en France, proviseur qui ne vote pas à gauche.
Ce n'est donc pas le point de vue d'un de ces sales "fainéasses-de-profs-toujours-en-greve-ou-en-vacances" qui poussent la jeunesse dans la rue pour leur seul profit personnel.
Étonnant d'ailleurs de voir comme nous avons du pouvoir sur ces élèves, alors que nous avons parfois tant de mal à nous faire obéir en classe (cherchez l'erreur...).

On se plaît à répéter que les réformes ne passent jamais à l'EN. C'est faux.
Depuis 20 ans que j'enseigne j'en ai vu passer un nombre assez considérable, la dernière en question étant celle de X.Darcos. Elle est passée dans l'indifférence générale, les quelques rares mouvements de protestation ayant été soigneusement ignorés.
Cette réforme des Lycées Professionnels est donc appliquée depuis la rentrée 2008, dans le plus grand n'importe quoi, sans programmes officiels adaptés à la formation sur 3 ans au lieu de 4 (chacun faisant donc sa petite sauce), sans perspective, sans savoir de quoi demain sera fait. Enfin si, on commence à l'entrevoir, et nos pires prévisions étaient encore très loin de la réalité.

Qu'on ne se méprenne pas sur mes propos. Je ne m'apitoie pas sur le sort des profs, sur les postes supprimés, et sur nos conditions de travail. Même si c'est important, ce n'est pas le plus important. Non, ce qui est affligeant et consternant, c'est de voir avec quel mépris on traite ces jeunes qui se forment dans les voies professionnelles, en prétextant l'inverse.

J'ai vraiment le sentiment que les LP ne sont qu'une variable d'ajustement dans la stratégie ministérielle, dit le collègue en conclusion. J'en ai plus que le sentiment, j'en ai la certitude.

Note : Je n'ai pas changé une virgule au texte original, mis à part les mentions qui pourraient permettre, de près ou de loin, d'identifier ce chef d'établissement. Inutile donc d'essayer de le deviner et tout commentaire qui pourrait le mettre en porte-à-faux sera supprimé.

En janvier février dans les établissements scolaires c'est la période où on commence à préparer la prochaine rentrée scolaire et il y a un mot magique, qui fait peur qui fait trembler, qui angoisse, qui agite et perturbe le petit monde des chefs d'établissement et des syndicalistes de la salle des profs : la "déhacheugée".

  • Interrogatif : Et toi, tu as reçu la déhacheugée ?
  • Inquiet : Dis, tu crois qu'on va avoir une bonne déhacheugée ?
  • Défaitiste : Ben moi, j'ai peur que la déhacheugée soit dégueu avec toutes les annonces du ministre ?
  • Militant : Moi je le dis : la déhacheugée de cette année ce sera un outil de destruction du service-public-de-l'éducation-il-faut-faire-grève. Ah bon l'a pas encore reçue ? pas grave il-faut-faire-pression-sur-le-ministre-et-le-faire-reculer !

La déhacheugée, comprendre DHG, c'est la Dotation Horaire Globale attribuée à l'établissement pour assurer les enseignements de l'an prochain. C'est une enveloppe d'heures qui doit ensuite être traduite en postes d'enseignants. Depuis l'an dernier en particulier, dès qu'elle nous est attribuée, on se lance dans des calculs pour savoir combien de postes d'enseignants on va perdre. Avec prudence quand même : le premier calcul, sur le bord de la table l'an dernier, m'avait fait craindre la fermeture de 5 postes dans mon lycée. Finalement, à force de gesticulations comptables et pédagogiques je n'en ai fermé que 2.

Hier donc, grand messe traditionnelle de la deuxième semaine de janvier : les déhacheugées vont nous être communiquées de façon confidentielle, car elles doivent être validées par un Comité Technique Académique. Parce qu'on réunit des Comités Techniques Académiques pour entériner des décisions sur lesquelles de toutes façons on ne reviendra pas. Grandeur et force de la démocratie (participative ?) qui permet de dire qu'on n'est pas d'accord même si in fine ça ne change rien.

Je me souviens d'une caricature où on voyait un président de la République (il y plusieurs années de cela) s'adresser à ses conseillers et à ses ministres en leur parlant des avantages de la démocratie par rapport à la dictature :
La dictature c'est : Ferme ta gueule ! alors que la démocratie c'est : Cause toujours ! déclarait-il...

Grand messe hier après midi. J'ai mon enveloppe avec ma déhacheugée dedans. Mais j'ai surtout besoin d'éclaircissements sur le fonctionnement des lycées professionnels l'an prochain. On ne connait pas encore les grilles horaires (en clair le nombre d'heures de français, d'anglais, d'enseignement professionnel qui doivent être prévues dans chaque filière...) On ne connait pas les horaires officiels. Alors "on nous explique qu'"on" a imaginé et "on" a calculé savamment, doctement et précisément l'attribution d'une enveloppe horaire. "On" s'est appuyé sur le constat de l'an dernier. "On" a tenté de pondérer. Peut-être a-t-on pris en compte certaines annonces qu'on lit ici ou là sur les sites syndicaux. "On" a fait pour le mieux. Je ne critique pas "on". Il a fait pour le mieux avec le peu d'informations fiables et confirmées dont il disposait...

Et donc moi, chef d'établissement, je dois maintenant imaginer le fonctionnement pédagogique de mon lycée l'an prochain, je dois répartir cette enveloppe horaire par matières, et la traduire en nombre de postes de profs, proposer sans doute la suppression d'un ou deux postes... alors que tout reste flou et approximatif. Et puis je dois faire voter ça par le Conseil d'Administration. Et ce vote aura force de décision.
En clair on va décider de l'à-peu-prés. Et puis après on ajustera. Si c'est encore possible...
Si je disais que j'ai l'impression qu'on marche sur la tête je serais en dessous de la réalité. Et l'image serait trop positive que l'idée même de "marcher" contenue dans cette expression me semble inappropriée...

Pendant ce temps ils font quoi les "membres de la communauté éducative" ?
La réforme du lycée (que je ne trouve pour ma part ni inutile, ni grotesque) a été repoussée. Manifs et mobilisation des profs, des parents, des élèves. Le gouvernement a décidé qu'il fallait prendre le temps d'expliquer. Parce qu'il s'agit des lycées, la vitrine noble de l'éducation, celle qui affiche plus de 80% de réussite au bac. Les lycées quand on en parle c'est Louis le Grand, Janson de Sailly et Henri IV. Même si les lycées c'est aussi d'obscurs établissements qui s'appellent Emile Zola, Pierre de Coubertin, Marie Curie ou Gagarine, on ne peut, on ne doit donc pas casser le système.

Mais un lycée professionnel ?

Quelqu'un connait-il un lycée professionnel prestigieux, un lycée professionnel dont est issu un de nos hiérarques, un de nos décideurs ? Alors l'avenir, la transformation, l'évolution, le massacre à la tronçonneuse des lycées professionnels et des élèves qui les fréquentent, qui s'en soucie en haut lieu ou dans les médias ?

Je me souviens l'an dernier avoir raillé ces élèves des Lycées Professionnels qui, en avril, sous couvert de "faire grève", en profitaient pour sécher les cours. Moi-même je me gaussais leur manque de culture et la légèreté de leur implication, le ridicule assumé de leur mobilisation sur des thèmes qu'ils ne cherchaient même pas à connaître. Je demandais aux professeurs de ne pas les instrumentaliser, notre public est si fragile, si volatile, si facilement incontrôlable. Ces élèves-là, peu motivés et absentéistes chroniques pour la plupart, réclamaient sans honte, sans pudeur et sans sourciller plus de profs !

Évidemment ils n'étaient pas crédibles. Ils n'étaient pas et ne sont toujours pas respectables dans ce type de revendication...

Mais le simple fait qu'on attribue aux lycée professionnels des moyens, à la louche, sans savoir s'ils vont correspondre à la réalité des programmes qui ne seront publiés sans doute qu'en avril, lorsque toutes les opérations de gestion budgétaires et humaines du Ministère de l'Éducation Nationale auront été bouclées, je le ressens comme un véritable camouflet.

On supprime les BEP et donc la filière 2 ans de BEP + 2 ans de Bac Professionnel pour mettre à la place le Bac Professionnel en 3 ans. Le système générera bien sûr sa propre réussite, mais à quel prix ? Cette décision de généraliser les Bac Pro en 3 ans et de supprimer pour les élèves sortant de 3ème la possibilité de suivre un BEP en 2 ans, d'obtenir un diplôme en 2 ans et de reprendre pied dans le système éducatif, de trouver l'envie et la motivation de poursuivre éventuellement pour 2 ans de plus, cette possibilité-là a été supprimée d'un coup de plume sans que tous les arbitrages budgétaires et éducatifs (quel gros mot !) aient été finalisés...

Au delà de l'imprécision du travail que je dois mener et que je vais présenter à mes profs avant les vacances de février, j'ai vraiment le sentiment que les LP ne sont qu'une variable d'ajustement dans la stratégie ministérielle. Alors que - comme se plaisait à le répéter un ancien adjoint -, le lycée professionnel devrait être et rester l'honneur du service public.

Ah oui, au fait : Bonne Année...

Je ne vois même pas comment ils peuvent décemment présenter des déhacheugée en CA sachant qu'on ne connaît pas les horaires officiels de toutes les disciplines à la rentrée. Et le malheur c'est que tous les proviseurs n'ont pas la lucidité/honnêteté de ce monsieur. Le LP est une pièce importante dans le mercato des déformes actuelles. C'est depuis toujours un précurseur...

Et bonne année quand même.

Gaius - 19-01-2009 - 18:19

Il ya un vrai problème c'est que le travail technique ou manuel a été complètement dévalorisé par les politiques qui prétendaient que tout le monde devait arriver au bac! en tant qu'enseignant de l'université, j'ai pu mesurer la faiblesse de beaucoup d'étudiants dont le niveau était lamentable. Ce qui explique d'ailleurs l'échec en première année de deug. Et ce qui explique aussi pourquoi il est si difficile actuellement de trouver un plombier ou un électricien. Et ceux des jeunes qui ont choisi le secteur professionnel peuvent avoir une meilleure situation que ceux qui se sont embarqués dans des études supérieures qui n'aboutissent à rien. Je suis persuadé que les revenus d'un artisan travailleur sont supérieurs à ceux d'un maître de conférences de l'université. Seulement voilà, personne n'en parle !

Yves Bandet - 26-01-2009 - 16:57

Personne n'en parle, mais tout le monde le chuchote ;)

Pascale - 27-01-2009 - 20:57

moi, je suis PLP lettres-histoire dans l'aca de Rouen, et mon proviseur m'a annoncé hier la suppression de mon poste... et nous sommes 8 dans ce cas au lycée... Je suis donc une variable d'ajustement...

antoine - 31-01-2009 - 15:23

les L.P. ont toujours été considérés par le pouvoir, au mieux comme un lieu où l'on "stocke" les gamins des familles défavorisés jusqu'à ce qu'ils quittent le système ,au pire comme la poubelle de l'éducation nationale.Pour mémoire rappelons que notre ministre a sa place dans cette poubelle, lui qui n'a dû la mansuétude du tribunal à son égard ( vilain tricheur quand il était prof) qu'à son appartenance à ce parti qui nous gouverne!

andré - 15-02-2009 - 08:14

Bonjour,
« *Selon deux professeurs de l'UdeM - La réforme de la recherche en France est vouée à l'échec* (UdeM=Université de Montréal)

Christian Rioux
Édition du mercredi 18 février 2009
[...] Depuis une semaine, la lettre qu'ils ont publiée dans le quotidien Le Monde avec deux collègues de Northwestern University (Chicago) et du MIT (Boston) circule dans les milieux universitaires. Elle vient notamment d'être reprise dans le site Internet français La vie des idées (www.laviedesidees.fr). Leur point de vue a d'autant plus d'autorité que ces professeurs parlent en connaissance de cause puisqu'ils ont quitté la France pour travailler en Amérique.

«La réforme française prétend s'inspirer de ce qui se fait en Amérique du Nord, dit Martial Foucault, l'un des signataires, qui enseigne l'économie politique à l'Université de Montréal. Or, en réalité, ses auteurs semblent ignorer totalement ce qui se passe sur ce continent.»[...] »
http://www.ledevoir.com/2009/02/18/234444.html?fe=6166&fp=154002&fr=133557
Amitiés, pandrekano

pandrekano - 18-02-2009 - 18:30

Toutes les tentatives de réforme se heurteront à la surdimension de ce grand corps malade.
Phil

freeroll - 16-08-2009 - 09:47

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